Bitcoin Core v30 : la mise à jour qui divise la communauté

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La version v30 de Bitcoin Core vient tout juste d’être rendue disponible en test.
Officiellement, il ne s’agit pas encore d’une version finale, mais d’une release candidate — une préversion stable que les opérateurs de nœuds et les développeurs sont invités à expérimenter dès aujourd’hui.
Et pourtant, cette simple étape de test fait déjà trembler la communauté.

Car derrière ce numéro de version apparemment anodin se cache un débat bien plus vaste : celui de l’avenir même du protocole Bitcoin.

Une version attendue par certains, redoutée par d’autres

Bitcoin Core, c’est la colonne vertébrale du réseau.
C’est le logiciel que la majorité des nœuds utilisent pour valider, stocker et relayer les transactions.
Chaque mise à jour de Bitcoin Core passe par une batterie de tests, de revues et de débats techniques souvent discrets… sauf quand un changement touche à la philosophie du protocole.

Et c’est exactement le cas avec v30, une version qui relance un vieux débat : « Qu’a-t-on vraiment le droit d’écrire sur la blockchain de Bitcoin ? »

Petit rappel historique
Le tout premier bloc de Bitcoin — le genesis block — contenait déjà du texte.
Satoshi y avait inscrit un message caché, un clin d’œil au monde réel :
“The Times 03/Jan/2009 Chancellor on brink of second bailout for banks.”
Une phrase devenue mythique, à la fois manifeste politique et preuve d’horodatage.
Mais après ce geste fondateur, plus personne n’a “écrit” sur la blockchain.
Depuis, la règle tacite voulait que Bitcoin reste un livre comptable — pas un mur d’inscriptions.
Avec la version v30, cette frontière symbolique semble à nouveau se fissurer.

L’affaire OP_RETURN : la mèche du débat

Au cœur de la tempête, une petite instruction du langage Bitcoin : OP_RETURN.
Elle permet, depuis des années, d’inscrire une petite quantité de données arbitraires dans une transaction. Un texte, un hash, une signature, ou un message horodaté.
Une porte minuscule vers des usages non financiers de Bitcoin.

Jusqu’ici, cette fonction était strictement limitée — à environ 80 octets.
Un choix délibéré : pour éviter que la blockchain ne devienne un immense disque dur public, saturé de données inutiles ou illégales.
Car le rôle de Bitcoin, rappellent les puristes, est de transférer de la valeur, pas d’héberger des fichiers.

Ce que change Bitcoin Core v30

La version v30 propose de lever cette limite.
Le paramètre datacarriersize passe désormais à 100 000 octets, soit plus de mille fois plus que la limite historique.

Pour les partisans de ce changement, c’est un retour à la neutralité originelle du protocole :
si un utilisateur est prêt à payer les frais nécessaires pour inscrire ses données dans un bloc, le réseau n’a pas à le censurer.

Mais pour les autres, c’est un dérapage dangereux.
Ils craignent une inflation des données, une surcharge des nœuds et l’apparition de contenus problématiques dans la blockchain.
Et dans un monde où la réglementation se resserre, cette perspective inquiète.

Un débat qui dépasse le code

Ce qui se joue ici dépasse de loin la technique.
La v30 révèle un choc de visions : deux conceptions du futur de Bitcoin s’opposent frontalement.

  • D’un côté, les “puristes”, qui défendent une version monétaire, sobre et résistante.
  • De l’autre, les “évolutionnistes” qui voient Bitcoin comme un socle universel, une couche d’enregistrement ouverte à tous les usages — NFTs, certificats, archives, applications décentralisées…

La ligne de fracture est claire :
faut-il protéger Bitcoin de la complexité, ou l’ouvrir au monde ?

⚙️ Encart Tech Focus — Faudra-t-il plus de puissance pour faire tourner Bitcoin ?

Techniquement, la mise à jour v30 ne change pas les règles de consensus de Bitcoin.
La taille maximale des blocs reste la même, et les exigences matérielles ne bougent pas… du moins, pour l’instant.

Là où les choses se compliquent, c’est avec la levée du plafond pour les données arbitraires (OP_RETURN).
Si cette nouvelle marge de 100 000 octets est massivement exploitée, le réseau pourrait voir passer bien plus de transactions “lourdes” — des messages, des images, des certificats, ou des données diverses inscrites dans la blockchain.

Conséquence : plus de données à télécharger, à relayer, à stocker.

Aujourd’hui, un nœud complet requiert environ 600 Go d’espace disque2 à 4 Go de RAM et une bande passante stable.
Mais si les usages “non monétaires” explosent, ces chiffres pourraient grimper :

  • jusqu’à 1 To d’espace disque dans les prochaines années,
  • et davantage de bande passante pour relayer les blocs plus lourds.

Ce scénario n’est pas encore une réalité, mais il nourrit une inquiétude : celle d’une centralisation par la complexité.
Si seuls les plus équipés peuvent faire tourner un nœud, la promesse de décentralisation s’affaiblit.

Un revirement de dernière minute

Face aux critiques, les développeurs de Bitcoin Core ont ajusté leur position avant même la sortie test.
Le paramètre controversé ne sera pas imposé par défaut : chaque opérateur pourra choisir de limiter lui-même la taille des données autorisées (datacarriersize).

C’est un compromis.
Mais la tension reste palpable : cette simple ligne de code a suffi à rallumer les débats les plus sensibles de l’histoire du protocole.

La question de l’integration de contenus illicites…

Certains développeurs, notamment ceux de Bitcoin Knots, ont vivement réagi.
Pour eux, cette évolution est un pas de trop : elle menace la stabilité du réseau et risque de décourager les petits opérateurs de nœuds, déjà soumis à des contraintes techniques croissantes.

Le célèbre cryptographe Nick Szabo a lui aussi mis en garde contre le risque juridique : “Si des données illicites sont insérées dans la blockchain, qui portera la responsabilité ?”
Dans un contexte de surveillance numérique accrue, cette question devient centrale.

En effet, En effet, cette crainte n’est pas théorique.
Par le passé, certaines expériences ont déjà montré qu’il était possible d’inscrire dans la blockchain des images ou contenus à caractère pornographique, ou d’autres fichiers illégaux.
Ces données, une fois gravées dans les blocs, sont impossibles à effacer — c’est à la fois la force et la faiblesse du système.

Si la taille permise par OP_RETURN s’élargit, le risque d’abus augmente : des individus mal intentionnés pourraient insérer des fichiers interdits ou sensibles dans la chaîne, volontairement ou non.
Cela placerait les opérateurs de nœuds — ceux qui détiennent une copie complète de la blockchain — dans une situation juridiquement floue.
Sont-ils de simples hébergeurs neutres ? Ou deviennent-ils, malgré eux, détenteurs d’un contenu illégal ?

Ce qu’il faut retenir

  • La version Bitcoin Core v30 est disponible dès aujourd’hui en test (release candidate).
  • Le paramètre datacarriersize passe à 100 kB, permettant l’insertion de données bien plus volumineuses dans la blockchain.
  • Les nœuds pourront toutefois fixer leur propre limite — une concession obtenue après un débat houleux.
  • La communauté se divise entre deux visions : Bitcoin comme “monnaie pure” ou comme “infrastructure ouverte”.
  • Cette mise à jour ne change pas le consensus, mais elle interroge profondément la gouvernance du réseau.


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