Le système de réserves fractionnaires est une approche bancaire qui a suscité de nombreuses discussions et controverses parmi les économistes, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Ce système qui permet aux banques de prêter plus d’argent qu’elles n’en ont réellement en réserve ( grâce aux jeux d’écriture), a joué un rôle crucial dans le développement économique de nombreux pays. Pour de nombreux économistes, il s’agit là d’un moteur de croissance solide et fiable, qui a permis l’éclosion de nombreuses industries. Pour d’autres, c’est surtout un système vulnérable aux crises financières qui empêche le développement d’une économie stable.
Alors que le sujet divise les experts en la matière, le Bitcoin est apparu comme un détonateur en ce qu’il remet en question – de façon radicale- le système de réserves fractionnaires.
Dans cet article, nous examinerons en détail ce qu’est le système de réserves fractionnaires, comment cela fonctionne et pourquoi Bitcoin va à l’encontre de ce fonctionnement.
Qu’est-ce que le système de réserves fractionnaires ?
Le système de réserves fractionnaires est un système bancaire où les banques n’ont besoin de conserver qu’une fraction des dépôts de leurs clients sous forme de réserves, et peuvent utiliser le reste pour accorder des prêts. Pour résumé, c’est grâce à ce système que les banques peuvent générer des profits.
Exemple de fonctionnement du système de réserves fractionnaires
Imaginons qu’une banque ait 1000 euros en dépôt. Si le taux de réserve requis est de 10%, la banque doit conserver 100 euros en réserve et peut prêter les 900 euros restants. Si l’emprunteur dépose ensuite ces 900 euros dans la même ou une autre banque, cette dernière peut à son tour prêter 810 euros (90% de 900 euros). Ce processus peut se répéter à l’infini, créant ainsi une quantité de monnaie bien supérieure au dépôt initial.
Histoire et évolution du système de réserves fractionnaires
Dans l’histoire économique, il est admis que la première banque centrale fonctionnant sur le système de réserves fractionnaires fût la « Sveriges Riksbank » créée en Suède en 1668. Cependant, il existait déjà des formes plus rudimentaires de ce système, notamment à travers les activités de l’usure que certaines personnes pratiquaient. En fait, rappelons que l’Église interdisait l’usure en se basant sur les Saintes Écritures d’une part et sur la critique du prêt à intérêt dénoncé par Aristote (cf Chrémastique).
Le fait de prêter contre des intérêts était alors considéré comme une pratique injuste qui profite de la faiblesse des plus pauvres pour s’enrichir. De fait, l’Islam et la chrétienté ont rejeté fortement l’utilisation de l’usure bien que l’on pouvait en trouver des formes au cours des XVIe et XVIIe siècles en Europe, avec des places financières et commerciales comme Florence, Venise ou encore Amsterdam. Ces places qui ont favorisé les échanges monétaires ont joué un rôle important dans le développement du secteur bancaire.
Puis, dès le 16ème siècle, l’idée que les dépôts en argent pourraient augmenter et stimuler l’économie par le biais de prêts est rapidement devenue populaire. Après la création de la première banque en Suède, deux banques centrales ont été créées aux États-Unis, la première en 1791 et la seconde en 1816, qui furent par la suite remplacé en 1913 par la « Réserve fédérale américaine », qui est maintenant la banque centrale américaine.
Avantages et critiques du système de réserves fractionnaires par les économistes
Le système de réserves fractionnaires a des avantages et des inconvénients. D’une part, ce système joué un rôle crucial dans le financement de l’économie en permettant aux banques de prêter plus d’argent qu’elles n’en ont en réserve. Des auteurs comme John Maynard Keynes ont soutenu ce système, le prévenant comme un outil pertinent et adéquat pour réguler l’offre de la monnaie et stabiliser l’économie. De même, Milton Friedman qui était opposé dans sa vision de l’économie à Keynes a néanmoins soutenu également ce système en le considérant comme un garant d’une gestion intelligente de la masse monétaire. D’autres auteurs ont insisté sur le fait que le système de réserve fractionnaire peut aussi faciliter l’accès au crédit des entreprises, et participer par là, à la croissance d’un pays.
A contrario de ces pensées, ce système a été fortement critiqué et remis en question par de nombreux économistes, dont de nombreux appartement à l’École autrichienne. L’un des critiques les plus notables est l’économiste autrichien Ludwig von Mises, notamment dans son ouvrage « La théorie de la monnaie et du crédit » publié en 1912. Il considérait que le système de réserve fractionnaire pouvait conduire à des cycles économiques d’expansion et de contraction, qui alimentait des bulles de crédit qui finissaient par éclater en crise financière.
D’autres économistes, tels que Murray Rothbard (membre de l’École autrichienne) ont également exprimé des critiques similaires à l’égard du système de réserve fractionnaire. Ces critiques émanent souvent de la conviction que ce système contribue à l’instabilité financière.
Le phénomène des paniques bancaires
L’un des principaux problèmes du système de réserves fractionnaires est qu’il peut entraîner des crises financières. Si tous les déposants demandent à retirer leur argent en même temps, une banque peut ne pas être en mesure de répondre à ces demandes car elle n’a pas suffisamment de réserves. C’est ce qu’on appelle une « panique bancaire ». Les crises financières de la Grande Dépression aux États-Unis sont un exemple notoire de la catastrophe qui peut être provoquée par un retrait massif.
Plus récemment, nous avons pu voir avec la Silicon Valley Bank que de telles phénomènes continuent de faire des ravages dans l’économie. Même si les États choisissent en général de pratiquer des sauvetages pour endiguer la crise, il n’empêche qu’elles ne peuvent les empêcher d’avoir lieu.
Bitcoin et le système de réserves fractionnaires
L’inventeur du Bitcoin, Satoshi Nakamoto a écrit quelques lignes dans le block genesis du Bitcoin qui reprend le titre du journal du 3 janvier 2009 à savoir : Chancellor on brink of second bailout for Banks ». Cela fait écho au second plan de sauvetage décidé par le gouvernement britannique pour « sauver » une banque touchée par la crise de 2008.
Il est admis alors (bien que cela puisse être sujet à débat) que Satoshi Nakamoto voyait dans le bitcoin une monnaie exempte de ce type de crise.
Contrairement au système traditionnel de monnaie fiduciaire, Bitcoin a été créé comme une monnaie à offre fixe (21 millions d’unités) donnant naissance à un cadre économique alternatif qui fonctionne de manière totalement différente.
Plus encore, Bitcoin est géré par un réseau de nœuds distribué appelé la blockchain, qui ne nécessite pas d’entité unique pour contrôler le réseau. Cela signifie qu’il n’y a pas besoin d’une banque centrale et qu’il n’y a pas d’autorité en charge.
Ces deux éléments combinés ( offre fixe et aucune autorité de contrôle) font du Bitcoin, un système diamétralement opposé aux banques centrales et aux système de réserves fractionnaires qu’elles utilisent.
Pourquoi Bitcoin ne comprend pas un système de réserves fractionnaires ?
Bitcoin n’est pas adapté (dans l’absolu ) à un système de réserves fractionnaires pour plusieurs raisons. Premièrement, Bitcoin a été conçu pour être décentralisé, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’autorité centrale comme une banque qui contrôle la monnaie. Cela serait extrêmement difficile techniquement d’imaginer un sytème dans le fonctionnement actuel du Bitcoin qui permettrait de créer des unités de bitcoins basés sur des bitcoins existants. Ce serait là une sorte d’antinomie au mécanisme de proof-of-work qui soutient le réseau.
Deuxièmement, l’émission de Bitcoin est limitée à 21 millions d’unités, ce qui signifie qu’aucune nouvelle unité ne sera générée une fois cette limite atteinte. Il est alors impossible de changer ce plafond, sans risquer de détruire le principe clé du Bitcoin, à savoir une offre limitée, dans le temps.
En un mot, Bitcoin contre-carre l’idée même du système de réserve fractionnaire. Pour beaucoup de partisan de cette cryptomonnaie, c’est aussi là, le gage d’une économie forte et solide qui ne peut imprimer de la monnaie sur simple demande.
Réflexions Finales
Penser le bien-fondé du système de réserves fractionnaires est une tâche éminemment complexe. Différents facteurs socio-économiques doivent être considéré pour émettre un jugement. Dans certaines situations et à certaines époque, le système de réserve fractionnaire a pu joué un rôle déterminant dans le développement économique de certains pays. La révolution industrielle a certainement profité pleinement de ce système, ce qui a permis à des nombreux pays de s’enrichir et d’obtenir une croissance économique rapide.
Toutefois, certains économistes attribuent les crises au système de réserve fractionnaire, qui peut, être comme une épée de Damoclès sur le peuple, qui doit s’attendre à traverser des crises de façon perpétuelle, comme nous le rappelle le prix Nobel Paul Krugman ( cf « Pourquoi les crises reviennent toujours« ).
Et, c’est aussi là où Bitcoin devient intéressant. En éliminant complètement le système de réserves fractionnaire, il nous offre une nouvelle fenêtre de pensée où l’on peut imaginer un système qui se passerait de la création monétaire ex-nihilo et de ses conséquences sur l’économie….
Disclaimer : Les opinions exprimées sont personnelles et engagent uniquement l’auteur de l’article et ne reflètent pas nécessairement celles du magazine Zonebitcoin.