Il faut quand même se poser la question de cette cryptomonétisation extrême de la société. Bien sûr qu’on a le nez dedans et bien sûr qu’on a la tête dans le guidon mais cela ne doit pas nous empêcher de vouloir rester objectif sur ce qu’il se passe autour de nous.
Tout n’est pas rose dans la finance décentralisée. Non, clairement, tout n’est pas noir non plus, en fait. Il faut se poser la question clairement : Est-ce que les détenteurs de bitcoin (d’aujourd’hui) sont les millionnaires de demain? Dans la mesure où le bitcoin est une denrée limitée ( 21 millions de bitcoin et pas une pièce en plus), cela limite mathématiquement le nombre de détenteurs n’est-ce pas?
Ainsi, dans le monde demain, les ultra-riches seront ceux qui possèdent du bitcoin et les autres seront les misérables ( quand bien même ils posséderaient du dollars?)
Qui sont les aristocrates du bitcoin?
Les hodlers de bitcoin sont-ils les néo-aristocrates d’aujourd’hui comme le suggère l’universitaire John Danielsson de la London School of Economics qui a publié un article dans l’excellent Center for Economic Policy and Research, à travers lequel il dépeint un avenir où les « aristocrates du Bitcoin » créerait malgré eux un monde inégalitaire à l’extrême. En gros, son propos est de dire que si le bitcoin devient la monnaie suprême ( au sens de suprématie monétaire du bitcoin), alors les bitcoiners deviendraient les aristocrates d’une économie malsaine. Un capitalisme fermé et contradictoire où le rêve américain de pouvoir s’enrichir à partir de rien deviendrait une hérésie pure.
Oui, une ploutocratie là où à l’origine le Bitcoin devait démocratiser la finance pour tous. Ce serait un comble.
Une dystopie effarante tant le décalage pourrait être trop grand entre ceux qui possèdent beaucoup de crypto et les autres, qui ne savent pas (encore) de quoi il s’agit.
Vous pouvez lire l’article ici ou écouter le podcast là. Je ne voulais pas le préciser mais John Danielsson est aussi l’auteur de l’article de “Cryptocurrencies don’t make sens“…Je dis ça, je dis rien?
Dans un scénario simpliste, ces derniers pourraient devenir les “dominés” financièrement parlant des autres. Pourtant, les autres en question n’auront rien de plus si ce n’est un portefeuille plus garni. Si ces derniers sont stupides, bêtes, méchants et cupides, que se passerait-il?
Ils chercheraient à protéger à tout prix ce qu’on a appelé la “Bitcoin Citadel”, sorte de chateau ultime où les seigneurs du bitcoin défendraient corps et âmes leurs bitcoins pour rester les maitres du monde.
Il explique que les propriétaires du Bitcoin d’aujourd’hui deviendraient les personnes” les plus riches du monde”, qui “rivaliseraient avec les rois et les empereurs qui ont régné sur les empires au cours des siècles passés. Ils posséderont littéralement tout l’argent. Ils pourront acheter tout ce qu’ils veulent. Il n’y en a pas beaucoup. Comparé aux multitudes qui possèdent des actifs aujourd’hui via tous les fonds de pension et les fonds communs de placement et le reste, c’est un petit groupe de personnes”.
Le vrai point très intéressant que soulève John Danielsson est le fait que cette seigneurie n’auraient pas d’autres valeur ajoutée que le simple fait d’avoir été “early-adopter”. Ils n’auraient pas d’autres mérites et ne chercheraient pas à contribuer à améliorer le système mais simplement à jouir de leurs situations de nantis. L’auteur n’a pas tord, on doit le reconnaitre.
L’auteur ajoute qu’ils n’apporteront aucune contribution à la société et que le gouvernement serait contraint de se protéger et de les attaquer autant qu’il le peut. Il conclut alors fatalement que le prix du bitcoin atteindrait zéro car les gouvernements l’interdirait…
En fait, comme le conclut l’article de Emmanuel Young sur Beincrypto, “Bien que les propos de Danielsson puissent être considérés comme critiques, en réalité, il exhorte simplement la communauté à se tourner vers le « construire », et pas seulement vers le gain.
C’est exactement le message qu’il faut comprendre pour faire avancer le débat. Il ne faut pas oublier que derrière l’appât du gain, il y a dans le bitcoin et les cryptomonnaies, une véritable technologie qui peut améliorer notre monde.
À nous d’être le rempart aux aristocrates que nous sommes malgré nous. À nous (qui possédons du bitcoin) de ne pas succomber à nos instincts primaires de domination….
Que penser de ce scénario pessimiste et des aristocrates du bitcoin ?
L’article est peut-être morose et s’attarde sur le bitcoin sans prendre en considération l’énorme avancée de la technologie dans son ensemble. Les cas d’utilisations et les usages se sont affranchis de la finance pure et les NFT par exemple, n’en sont qu’un exemple.
Ne s’attarder que sur le bitcoin et ne voir ici que de futurs aristocrates, c’est avoir une vision bien réduite de cet univers qui nous dépasse largement. Il faut élargir son champs de vision avant de poser un jugement.
On ne peut pas réduire Internet à Youtube ou à Facebook, n’est-ce pas? Alors, pourquoi vouloir réduire la blockchain au bitcoin?
Il y a des milliers de cryptomonnaies, avec différentes caractéristiques et différentes valeurs (perçus et réelles) pour des usages différents. Chacun peut en profiter librement, sans problème de frontière géographique ou de capital initial hérité. Chacun peut contribuer à cette économie et en profiter.
On a tous les mêmes chances avec les cryptomonnaies et c’est le grand avantage que nous offre la “décentralisation”. Les maximalistes avec le bitcoin ne peuvent pas ériger une citadelle alors même que le monde est déjà entrain de construire d’autres citadelles, toutes aussi belles, grandes et accueillantes…