Le système électoral est un bon baromètre pour mesurer le degré de liberté d’une démocratie. Plus les élections sont libres et justes, plus le peuple jouit de la liberté politique de faire des choix qui sont réellement pris en compte. Lorsque Abraham Lincoln disait qu’un “ bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil”, il rappelait qu’un peuple peut décider de son futur par son vote, sans avoir à recourir à la guerre. Encore faut-il que la voix du peuple soit entendue…
En effet, les élections font souvent défaut dans de nombreux pays et les fraudes électorales servent les démocraties viciées et les régimes autoritaires. Un système électoral qui n’est pas fiable n’encourage pas la population à voter et le taux d’absentéisme est alors toujours plus important. La confiance pour les élus se réduit jusqu’à entraîner des mouvements de rébellions (parfois légitimes) qui se soldent par des violences et une répression policière. Enfin, les fraudes peuvent maintenir en place des chefs de pouvoir autoritaires qui aspirent à rester au pouvoir.
Un système électoral défaillant est certainement un élément qui peut parasiter à lui seul l’ensemble d’un régime politique et de la société qui l’a constitue. Qu’on se le dise, avoir des élections saines est un prérequis pour toute démocratie qui se respecte.
Le processus électoral, la clé de voûte des démocraties
À l’heure du tout numérique, les systèmes de vote traditionnels semblent bien obsolètes avec l’utilisation de feuilles de papier et du dépouillement manuel. Dans le monde entier, c’est encore ce système qui prévaut en très grande majorité. Chaque citoyen étant appelé à se présenter physiquement aux urnes afin d’y faire son choix.
Depuis la mise en place des toutes premières élections au XIXè siècle, ce système n’a cessé d’alimenter les fraudes, les corruptions, les pots-de-vin ainsi que des intimidations violentes qui précèdent les élections.
Le système de vote traditionnel nous a montré ses limites. On ne compte plus le nombre de fraudes électorales qui ont maintenant des dictateurs au pouvoir pendant des décennies, sans que jamais le peuple ne puisse librement s’exprimer.
Certes, des progrès en la matière ont été réalisés et les fraudes électorales sont toujours plus limitées dans les pays les plus démocratiques. Cependant, c’est une erreur de penser que les systèmes électoraux des pays démocratiques, aujourd’hui, sont à l’abri de fraudes. La menace est partout et la vigilance doit être maintenue.
L’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump est un exemple frappant des contestations faites à l’égard d’une élection jugée défaillante. Un système qui ne permet pas une vérification inconditionnelle des votes peut alimenter des soupçons de corruption.
Ainsi, l’amélioration du processus électoral ne serait pas utile uniquement aux pays non-démocratiques mais bien pour l’ensemble des pays, d’autant plus dans le contexte de mondialisation dans lequel nous sommes inscrits.
Dans cette perspective, un régime autoritaire peut mettre en péril toute une région et déstabiliser l’ensemble d’une dynamique géopolitique. La guerre russo-ukrainienne de 2022 a eu des répercussions économiques sur l’ensemble du monde par exemple. On a tous intérêts à ce que les pays dans le monde tendent vers un régime démocratique.
Le problème des systèmes de vote traditionnels et la solution numérique
De plus en plus de personnes et d’entrepreneurs ont cherché à améliorer le processus de vote, en utilisant le vote électronique. Il s’agit alors de remplacer et de numériser les bulletins de vote en papier pour réaliser automatiquement le dépouillement des scrutins.
Le Nigeria a souvent souffert de vives turbulences sociales en période pré-électorale. Sans surprise, cela a été le premier pays en Afrique à avoir opté pour cette solution lors des précédentes élections. Les électeurs ont été munis de cartes à puce qui assuraient un vote unique pour chaque détenteur. Le décompte s’est donc réalisé via un programme informatique, ce qui a éliminé les possibles erreurs de comptage ou les manipulations des scrutins.
Cependant, de nombreux rapports ont noté les nombreux problèmes qui ont entouré l’élection nigériane dont le problème de carte perdue ou volée, des lecteurs de carte défectueux, une livraison partielle des cartes et une formation insuffisante de la part des citoyens et du personnel électoral.
De même, il a été relevé que la corruption n’a pas été limitée pour autant. La pratique qui veut que certains politiciens offrent de l’argent ou d’autres incitations aux électeurs en échange de leur vote n’a pas été épargné par le vote électronique. En effet, la carte à puce étant directement associée à des identités, il est alors possible de retracer le vote des électeurs. Ainsi, par crainte de voir leurs votes affichés, certaines personnes qui avaient reçu des intimidations ou des menaces n’ont eut d’autres choix que de voter sous la contrainte.
Seuls sept pays d’Afrique subsaharienne appartiennent désormais à la catégorie Free, le chiffre le plus bas depuis 1991. De plus, seuls 9 % des habitants d’Afrique subsaharienne vivent désormais dans des pays considérés comme libres.
https://freedomhouse.org
La blockchain permet de réaliser un processus de vote plus juste et infalsifiable
La technologie décentralisée et sécurisée de la technologie blockchain appliquée au processus électoral permet de réaliser des élections transparentes et non-falsifiables. Tous les votes sont pris en compte et personne ne peut modifier les résultats. Tous les votes sont vérifiables dans un grand « registre » et tout le monde peut y accéder, tout en garantissant l’anonymat des votants. C’est dans ce sens que la blockchain, en tant que technologie distribuée, permet d’améliorer les élections : la fraude n’est plus permise ni même concevable.
Tous les votants peuvent voter à l’aide d’un identifiant unique et crypté, ce qui rendrait ainsi leurs votes anonymes. Cela est particulièrement intéressant dans le cas où des représentants chercheraient à soudoyer ou à corrompre des électeurs. Il n’y aurait nulle possibilité pour ces derniers de vérifier ce qu’une personne aurait voté. Ce pseudo-anonymat permet alors de réduire les affaires de pots-de-vin que l’on peut observer lors des périodes électorales.
Techniquement, la blockchain implique la décentralisation, ce qui signifie qu’il n’y a pas besoin d’une autorité centrale pour gérer les votes. Le risque de la falsification est alors rendu impossible car il faudrait que toutes les parties se mettent d’accord pour falsifier en même temps le registre. De même, le registre est public et il est consultable par tous.
De surcroît, il n’y est pas requis de se déplacer pour effectuer un vote, tout en s’assurant que c’est la bonne personne qui opère le vote. Les citoyens des zones les plus reculées pourraient alors être intégrés dans le système de vote. C’est aussi là une manière de rendre le processus plus universel et plus inclusif que ce qu’il n’est actuellement.
La rapidité, la sécurité et l’efficace du dépouillement des votes seraient alors automatisées. Aucunes entités ne pourraient manipuler les résultats. Les erreurs humaines de décomptes seraient réduites sinon évincées. Tous les votes sont inscrits sur le registre de la blockchain de façon inaltérable et toute personne pourrait y accéder et vérifier les données.
Des élections basées sur la blockchain ont déjà été réalisées
La technologie de la blockchain a déjà été utilisée lors de certaines élections, dans le monde et les résultats de ces opérations encouragent à une utilisation plus massive, au cours des prochaines années.
En mars 2018, la Sierra Leone a été le premier pays au monde à utiliser la blockchain pour les élections présidentielles. Là encore, le système de vote basé sur la blockchain a été éprouvé avec un décompte automatique, et non-falsifiable, et la possibilité de suivre en temps réel les résultats des élections. Depuis lors, la Sierra Leone a décidé de recourir continuellement au système de vote basé sur la blockchain pour toutes les élections du pays.
La société Agora qui a piloté le premier processus vote sur la blockchain à la Sierra Leone et a publié un rapport sur le potentiel de la technologie blockchain à des fins électorales, consultable ici. Le but étant de pousser davantage de pays à opter pour ce système.
On peut également citer les élections de mi-mandat en 2018 qui se sont déroulées dans l’État de la Virginie-Occidentale, aux États-Unis. À l’origine, le vote via la blockchain a été suggéré pour permettre aux résidents étrangers (et notamment les militaires en mission) de pouvoir voter à distance. Le gouvernement a alors décidé d’étendre l’ application de vote sécurisé pour les expatriés et les résidents. Cette expérience a également montré qu’avec la blockchain, le vote est rendu possible indépendamment de l’emplacement géographique ou des capacités physiques des votants.
Il faut rappeler que le système de vote peut servir toute forme d’élections. Cela peut concerner des votes pour des consultations citoyennes divers ( projet d’aménagement, projet culturel, etc). Des projets de vote citoyen basé sur la blockchain sont actuellement en cours aux États-Unis, en Colombie et en Corée du Sud. La France a noué un partenariat avec la société Electis, qui a développé un logiciel open source pour faciliter les processus de vote électronique. Il s’agirait de proposer des systèmes de votes pour les municipalités notamment.
Quels sont les obstacles à l’adoption de la blockchain dans le processus électoral ?
Les avantages à utiliser la technologie de la blockchain semblent un tel point évident que l’on peut se demander pourquoi celle-ci n’est pas davantage intégrée aux systèmes de vote. Cela s’explique pour plusieurs raisons dont la première est certainement le manque d’infrastructure technologique pour prendre en charge l’utilisation de cette technologie. Effectivement, le pays doit être doté d’une connectivité à internet fiable et de l’installation de serveurs robustes pour héberger le vote. Cela implique un personnel qualifié ou la mise en place de formations certifiantes en amont.
Lorsqu’il s’agit d’utiliser de nouvelles technologies, en règle générale, les obstacles tiennent au coût financier de l’opération. Cela peut être un véritable frein notamment dans les pays les plus pauvres qui n’ont pas nécessairement les ressources financières disponibles.
Ajoutons qu’il s’agit généralement et malheureusement des pays les plus pauvres qui souffrent le plus de problème de corruption électorale. Ce sont les pays qui ont en le plus besoin qui n’ont pas les moyens de s’en affranchir.
Cependant, de nombreuses études notamment celles publiés par Agora indiquent qu’utiliser le vote par la blockchain permettrait de réaliser des économies, sur le long terme. En effet, le système électoral sur la blockchain est plus rentable dans la mesure où toutes les tâches sont automatisées. La présence de personnels est drastiquement réduite tout en garantissant une plus grande efficacité.
Le système de vote traditionnel est coûteux car il implique de nombreuses manipulations manuelles et la nécessité d’employer des agents pour toute la durée des élections. Cela a un coût indéniable. Il existe de multiples autres dépenses liées aux élections traditionnelles que la blockchain pourrait supprimer. Par exemple, les dépenses liées à la mobilisation des forces de l’ordre en cas de contestation des résultats sont épargnées.
Les gouvernements doivent alors considérer le vote sur la blockchain comme étant une dépense initiale qui atteint dès les premières élections son seuil de rentabilité. Une fois que le système de vote sur la blockchain est mis en place, il peut être utilisé pour des années, sans connaitre d’obsolescence du programme.
La blockchain sera intégrée aux processus de vote de demain
En définitive, ce qui empêche l’utilisation de la blockchain dans les processus de vote tient aussi et surtout à la méconnaissance de cette technologie. Très souvent liée aux cryptomonnaies, la blockchain peut encore aujourd’hui susciter des craintes de la part des institutions qui font l’amalgame entre la technologie et la spéculation des actifs hébergés. Faute de connaissances, peu de responsables politiques sont conscients des avantages que pourraient apporter la blockchain à leurs systèmes électoraux.
On peut aussi supposer que certains politiciens usant de fraudes redoutent la mise en place d’une telle solution dans la mesure où elle pourrait potentiellement les destituer.
Cependant, il est important de rappeler que le processus de vote peut être utilisé dans d’autres usage que celui des élections présidentielles. Cela est tout aussi important dans des votes à plus petite échelle et peut également encourager les utilisateurs à prendre part au vote. Cela peut favoriser les pratiques démocratiques quel que soit l’enjeu du vote.
Il est impératif que les gouvernements et les acteurs de la démocratie analysent les bénéfices de l’usage de la technologie sur le processus de vote et qu’elle soit considérée comme une nouvelle technologie utile et pratique dans ce cas. C’est ici, le même processus de compréhension qu’il a fallu adopter pour comprendre l’intérêt de l’usage d’Internet, par exemple.
Un changement de mentalité et une connaissance objective de la technologie représentent alors les premiers pas nécessaires pour l’adoption de la blockchain dans les systèmes de votes.
Voir aussi :
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