La montée en puissance des influenceurs dans le monde des réseaux sociaux a créé une nouvelle forme de marketing. Les influenceurs des cryptomonnaies ont transformé la façon dont les informations sont partagées et perçues dans l’industrie. Au fil des années, ils ont pris une place toujours plus importante dans l’industrie crypto, faisant d’eux les principaux vecteurs de la publicité et de la promotion de nouveaux projets.
Cependant, des projets douteux et des arnaques évidentes ont également été mis en avant dans un marketing agressif que l’on appelle dans le milieu le « shilling« . Cela consiste essentiellement à promouvoir massivement un projet sans annoncer que l’on possède des intérêts dans ce projet.
Ainsi, devant des pratiques jugées peu éthiques par la communauté, la question se pose sur le rôle et l’impact que peuvent avoir les influenceurs sur l’industrie crypto.
Du « Bitcoin évangéliste » à l’influenceur crypto
Dans le domaine des cryptomonnaies, l’ascension des influenceurs est relativement récente. Les personnes qui parlaient de cryptomonnaie en 2010 étaient peu nombreuses et le contenu était centré sur le Bitcoin exclusivement car il n’y a avait pas encore d’autres cryptomonnaies, CQDF. Andrea Antonopolous, professeur d’économie, était l’une des figures les plus emblématiques des premiers vulgarisateur du Bitcoin, qu’on appelait alors des « bitcoin évangélistes ». Ces derniers n’étaient pas rémunéré pour vulgariser leurs connaissances auprès du grand public. Il s’agissait essentiellement de personnes convaincus par la monnaie décentralisée et voulait partager leurs connaissances – sans espérer en tirer des profits. Rappelons que Bitcoin n’est pas une entreprise et qu’il n’y pas de « budget marketing » ni même d’employés pour lancer une campagne promotionnelle.
La première grande vague des influenceurs cryptos est apparue en 2017 avec notamment l’essor des levées de fond (ICO) de nouveaux tokens dont beaucoup espéraient des hausses exponentielles. C’est surtout à cette époque que le business de l’influence proprement dit était né. Les sociétés cryptographqiues payaient les individus afin qu’ils créent du contenu et fasse la promotion des nouveaux tokens au sein de leurs communauté.
L’essor du business de l’influence
Dans un contexte de bull run de 2017, les levées de fonds étaient spectaculaires. De nombreux projets racontaient des millions de dollars en l’espace de quelques heures. Les multiplicateurs à deux et trois chiffres étaient répandus. Le nombre de vue des contenus cryptos sur les réseaux sociaux établissaient des records. Les nouveaux millionnaires du bitcoin affichaient leurs succès avec des voitures de luxe et la cryptomonnaie était perçue alors comme le nouvel eldorado pour s’enrichir rapidement.
Les sociétés cryptos ont commencé à consacrer un budget toujours plus important pour la publicité, destiné autant aux influenceurs cryptos qu’aux médias spécialisées qui prenaient également leur envol à cette même période.
Le business de l’influence prenait forme devant un public toujours plus nombreux et toujours plus avide de contenus sur le sujet. À cette époque, la réglementation dans la plupart des pays était inexistante, autant pour le secteur du marketing d’influence que pour le secteur de la cryptomonnaie.
Les premières dérives
Les premières dérives ont été observées avec la création de contenus qui ne possédaient pas d’avertissement indiquant qu’il s’agissait de publicité. De surcroit, des projets sans réels fondements ont été présentés massivement à des communautés, qui n’avaient ni le recul ni les outils pour faire leurs propres analyses.
C’était alors la combinaison idéale pour la promotion d’arnaques qui ont été très largement mis en avant par des hordes d’influenceurs crypto avec des techniques de manipulation toujours plus avancées. Depuis les mauvaises pratiques et les abus de confiance n’ont été que plus fortes lors du bull run suivant en 2020. Les sommes investi dans le marketing ont alors atteint des sommes astronomiques comme on peut le constater avec le media Kit de l’un des plus grands influenceurs crypto de cette période ( aujourd’hui déchu), qui était rémunéré à hauteur de 35,000$ pour une vidéo dédiée.
Les mauvaises pratiques des influenceurs entre incompétence et conflits d’intérêts.
En 2021, la SEC a condamné l’influenceuse star Kim Kardashian à versé plus d’un million de dollar pour avoir fait la promotion d’un token sans indiquer qu’elle avait été rémunéré pour le faire . Cependant, avant cette date, c’était une pratique extrêmement courante dans le milieu et la condamnation de Kardashian devait servir d’exemple. Gary Gensler avait déclaré qu’il voulait souligner que l’approbation des célébrités pour un projet ne suffisait pas à faire de celui-ci un produit digne d’investissement.
Il y un type de rémunération qui s’avère encore plus problématique que celui de rémunérer des influenceurs pour faire la promotion d’un produit. Il y a une inhérence au business de l’influence si les influenceurs reçoivent des tokens pour faire la promotion de ce même token. Dans la finance classique, c’est ce qu’on qualifie de « conflit d’intérêt » et c’est une pratique formellement interdite. Un conseiller financier qui possède des parts dans une entreprise ne pourrait pas en faire la promotion auprès de ses clients, auquel cas il serait condamné pour corruption.
Ainsi, dans le monde libre des cryptomonnaies, c’est une pratique qui a été et qui est encore aujourd’hui très courante. Très souvent, les influenceurs qui sont payés en échange de tokens dans un projet entrainent des schémas de « pump and dump« . Cela consiste essentiellement à alimenter le désir d’achat (le FOMO) auprès d’une communauté cupide pour vendre l’actif à un prix plus élevé. Une fois que le prix a été artificiellement gonflé par des déclarations abusives et des promesses de gains éhontées, les équipes du projet vendent leurs actifs. Cela entraîne une baisse drastique du prix et les investisseurs se retrouvent avec des actifs sans valeur.
Cela a été le cas avec le scandale du token Save the Kids. Plusieurs youtubeurs populaires ont fait la promotion de façon massive à base de tweets, de vidéos, de storys en insistant sur le fait qu’une partie des bénéfices irait à une œuvre de charité pour enfants. De nombreuses personnes ont investi sur le token qui lors du lancement a chuté de plus de 60%. Les membres impliqués dans ce projet ont fait la promotion de ce projet avant de vendre leurs tokens, ce qui à fait chuter le prix du token…
C’est un phénomène qui s’est produit un nombre incalculable de fois avec des influenceurs parfois complices. Certaines fois les influenceurs ont indiqué avoir été eux-même victimes de ce schéma comme il semble en ressortir du projet NFT Plush où des célébrités comme Kev Adams ont déclaré avoir été eux-mêmes dupés. On peut se questionner sur la bonne foi des individus certes mais on peut aussi rappeler qu’il faut une certaine connaissance dans le domaine de la blockchain pour pouvoir promouvoir un projet qui s’en réclame.
Les influenceurs comme levier de croissance et comme obstacle à l’adoption
De nombreuses personnalités et célébrités du monde des affaires comme Michael Saylor ou encore Elon Musk ont pu participer à faire connaitre Bitcoin et les cryptomonnaies au plus grand nombre. C’est un fait et l’exemple de l’essor fulugurant qu’à connu le dogecoin après des tweet de Elon musk est révélateur de la puissance dde l’influence. Cependant, il est essentiel de souligner ici que Musk n’a pas été payé pour faire la promotion du dogecoin contrairement aux influenceurs.
Lire l’article : Elon Musk : un gourou crypto malgré lui?
Dans une moindre mesure, les influenceurs ont un impact sur leur communauté et sur des jetons qu’ils ont promu. Ainsi, il est indéniable qu’ils ont participé à faire connaitre la cryptomonnaie au plus grand nombre. Pour les plus éthiques d’entres eux et les plus qualifiés d’entres eux, le savoir et la connaissance sont partagés et ils continuent à rendre plus mature l’industrie. C’est là, le premier grand avantage qu’on peut leur attribuer. De surcroît, ils apportent finalement les liquidité nécessaires au bon fonctionnement de l’industrie.
Cependant, il est important de souligner que tous les influenceurs ne se valent pas. Ils n’ont ps tous les mêmes compétences et les mêmes habilités à analyser un projet. Enfin, certains sont davantage des créateurs de contenu tandis que d’autres n’ont comme seule finalité, l’enrichissement personnel.
Il y a une vraie difficulté pour certains influenceurs à vivre de leur passion et certaines fois, cela peut les pousser à travailler avec des compagnies peu scrupuleuses. D’autres fois, des influenceurs ayant amassé des fortunes avec les sponsorisation et les liens affiliés ne semblent plus savoir arrêter le flux de revenu que leur influence peut générer.
Ainsi, selon les influenceurs, cela est autant profitable à l’industrie que cela peut aussi être un obstacle à l’adoption dans la mesure où son image est ternie par les arnaques qui pullulent dans le secteur.
Comment limiter l’impact négatif des influenceurs dans l’industrie ?
Il semblerait qu’il y ait plusieurs axes sur lesquels l’ensemble de la communauté peut travailler pour assainir l’industrie crypto avant qu’elle ne soit définitivement catalogué comme un espace de casino.
👉 Renforcer la formation des influenceurs cryptos. Ces derniers doivent se former au préalable à l’investissement, à l’économie et à la finance avant de créer du contenu. Avec l’impact qu’ils peuvent avoir, il est essentiel d’avoir des influenceurs qui maitrisent leur sujet. Plus encore, il est également important de maitriser les sommes recherchées et de savoir limiter sa propre cupidité pour promouvoir les meilleurs projets.
👉 Améliorer la prise de parole des personnes les plus critiques. Un écosystème sain est aussi un écosystème où toutes les voix se font entendre. Ainsi, en France, des personnalités comme Emilien Dutang (Dark_Emi sur X) ont parfois permis à la communauté de prendre conscience de certaines pratiques et mis en lumière les intentions de nuire de certains porteurs de projet. Au final, c’est un travail d’objecteur de conscience qui permet d’assainir l’écosystème. Aux USA, on peut noter le travail d’enquête de CofeeZilla qui a par exemple contraint Logan Paul de rembourser les victimes de son projet NFT.
👉 Réduire la crédulité des communautés. Il n’y aurait pas autant d’influenceur cryptos s’il n’y avait pas un public pour les soutenir. Très souvent, les membres des communautés qui suivent les influenceurs sont jeunes et précisément « influençables ». Ils n’ont pas la capacité de décrypter les véritbale motivations d’un influenceur par exemple. Ils peuvent être aussi naïf sur les promesses de rendement qui sont annoncés. Il est crucial que la communauté prenne un recul sur les informations qui lui sont données et qu’elle travaille davantage sur son esprit critique. Un influenceur n’a pas la science infuse et il est important que la communauté en soit consciente. De même, il est important de réaliser qu’elle reste un « client » potentiel auprès des entreprises.
👉 Apporter un cadre légal pour limiter les dérives et les publicités mensongères. De la même manière que la finance traditionnelle protège les consommateurs, il est important que l’industrie crypto possède un cadre réglementaire pour empêcher certaines dérives. Récemment, une loi pour limiter les placements de produits frauduleux a été approuvée bien que de nombreuses personnes la jugent encore trop laxiste en ce qui concerne les influenceurs cryptos.
Réflexions Finales
Il est temps de conclure, n’est-ce pas? La question de l’impact des influenceurs est délicate dans la mesure où il y a autant d’effets bénéfiques que des inconvénients sur l’industrie crypto. Cependant, il en ressort que cela dépend essentiellement de la qualité des influenceurs, qui doivent alors trouver un équilibre entre la rémunération attendue et la qualité du travail à fournir. Nous avons également vu que la communauté qui suit les influenceurs a également un devoir d’exercer son esprit critique lorsqu’elle s’agit d’investir. Elle doit apprendre à décrypter les réelles motivation derrière la promotion d’un produit.
Il est essentiel d’être réaliste sur le fait que la plupart des influenceurs ne sont pas des experts financiers et beaucoup n’ont pas les outils pour appréhender les projets dont ils font la promotion. Beaucoup d’entres eux ont davantage des compétences en marketing qu’en finance. Cela signifie qu’ils n’ont pas les connaissances nécessaires pour juger et même comprendre les enjeux et les dessous d’un projet. Cela peut devenir d’autant plus dangereux lorsqu’ils sont payés pour faire de la réclame auprès de leurs auditoires.
Pour conclure, nous dirons qu’il est encore une fois, essentiel de travailler son esprit critique et son savoir, seules véritables armes pour naviguer dans le monde parfois si brutal des cryptomonnaies…