Le Honduras, un pays d’Amérique centrale connu pour ses défis économiques et sociaux, a récemment fait les gros titres grâce à un projet de ville autonome appelé Prospera. L’idée est de créer une ville propice aux crypto-détenteurs qui chercheraient à s’installer dans un cadre légal et fiscale adapté aux cryptomonnaies.
Ce projet, lancé en collaboration avec des partenaires internationaux, vise à transformer les conditions économiques et sociales des habitants en offrant un cadre propice à l’innovation, à l’entrepreneuriat et à la création d’emplois.
À travers Prospera, le Honduras espère attirer les investissements étrangers, stimuler la croissance économique et améliorer la qualité de vie de sa population. Cependant, le projet soulève quelques critiques de la part des habitants et de certaines organisations internationales qui y voient une perte de la souveraineté du pays.
Dans cet article, nous examinerons l’origine et le concept du programme, ses objectifs et ses réalisations jusqu’à présent, ainsi que les controverses et les critiques auxquelles il est confronté.
Origine du concept Prospera
Le Honduras a longtemps été confronté à des problèmes tels que la pauvreté, l’insécurité, le chômage et la corruption, qui ont entravé son développement économique et social. Cependant, avec le projet Prospera, le pays cherche à repousser ces obstacles en créant des zones économiques spéciales.
Le programme Prospera fait partie plus globalement de ce que l’on nomme des zones pour l’emploi et le développement économique (ZEDE) ou simplement de zone économique spéciale (ZES). Ce sont des régions géographiques dans lesquelles les lois économiques sont plus libérales et plus avantageuses pour les entreprises, que celles pratiquées dans le reste du pays.
L’idée des ZEDE a été formulée par l’économiste Paul Romer, du lauréat du prix Nobel, qui affirmait le développement de zone en proie à une mauvaise gouvernance pourrait améliorer l’ensemble d’une économie.
Ainsi, les ZEDE offrent des avantages tels que l’exonération de taxes d’importation et d’exportation, ainsi que la possibilité d’établir des systèmes de gouvernance internes, des tribunaux, des forces de sécurité, des écoles et même des régimes de sécurité sociale. Il faut imaginer une ville parfaitement autonome au sein d’un État donné.
Le programme Prospera est le premier projet à avoir obtenu l’approbation du gouvernement hondurien pour commencer une ville fonctionnant sur une charte politique privée, conformément à ce cadre légal.
Ainsi, en Honduras, l’objectif de Prospera est de créer un environnement propice au développement économique et à l’innovation, en établissant ses propres lois et en offrant des incitations fiscales attractives.
Objectifs et réalisations du programme Prospera
Le programme Prospera trouve ses racines dans le concept des villes autonomes créées ces dernières années, inspiré par des villes telles que Hong Kong, Singapour ou encore Dubaï. Alors qu’il en existait 79 projets de villes autonomes en 1975, aujourd’hui, on en compte plus de 5000 dans le monde. Les notoriétés et les succès de chaque villes autonomes sont à considérer pour chaque cas. Le nom « Prospera » découle du fait que ces villes sont considérées comme économiques « prospères ».
Le programme Prospera vise à stimuler le développement économique du Honduras en attirant des investisseurs étrangers et en favorisant la création d’emplois. Prospera se concentre sur l’industrie cryptographique en cherchant à devenir un hub dans le pays et dans le monde. En offrant un cadre juridique et réglementaire favorable, Prospera espère attirer des entreprises, des entrepreneurs, des développeurs blockchains et des bitcoiners du monde entier.
Il faut noter que le programme met également l’accent sur l’autonomisation des femmes en favorisant l’égalité des genres, l’accès à l’emploi et l’entrepreneuriat féminin.
Un projet pilote sur l’île de Roatan
Depuis ses débuts, le programme Prospera a connu un succès mitigé. C’est surtout dans la ville autonome sur l’île de Roatán que Prospera à mis au point le premier « projet pilote ».
Avec ses bureaux aérés, ses espaces communs en plein air offrant une vue sur l’océan et ses infrastructures modernes, Próspera attire déjà l’attention des investisseurs et des résidents potentiels. Le programme a également suscité l’intérêt de la communauté internationale, avec des partenaires locaux et régionaux soutenant activement son développement.
Controverses et critiques
Dans l’article publié par l’organisation RestofWorld, il est reporté différents incidents comme celui qui a empêché le village voisin de Crawfish Rock d’avoir accès à l’eau courante pendant des semaines. Après avoir réparé le circuit de distribution, la société Prospera a envoyé des factures aux habitants. Cependant, les réparations ont été réalisés par la fondation de Prospera qui se définit comme une organisation à but non lucratif. Après ce premier incident notable, les habitants craignent que d’autres répercussions et d’autres nouvelles factures pour des services élémentaires deviennent une norme…
La communauté locale est alors toujours plus méfiante envers ceux que des organisations internationales et des journaux tels que le Guardian qualifie de « crypto-colonialistes ».
Certains opposants idéologiques et intérêts établis ont critiqué les ZEDEs et remis en question leur légitimité et leur impact sur la souveraineté nationale. Des accusations de spoliation foncière et d’expropriation ont été portées contre les ZEDEs, alimentées par des acteurs cherchant à protéger leurs positions de pouvoir ou dont l’alignement idéologique est incompatible avec le concept.
Selon certaines voix, le programme Prospera ne rendrait prospère que les investisseurs du projet et permettrait aux entreprises du pays d’échapper à l’impôt, ce qui aurait comme répercussion d’affaiblir l’économie locale. Ainsi, la population locale la plus fragile subirait les contre-coups de cette politique libérale. Le programme Prospera compte parmi ses bailleurs de fonds Pronomos Capital, un fonds de capital-risque dirigé par Patri Friedman, et financé, entre autres, par des entrepreneurs de la Start-up Valley tel que Peter Thiel. Cela montre la dimension libérale mais aussi financière du projet, qui pourrait négliger son impact social sur les habitants de l’île.
Sinon, comme le dit si bien l’adage, « l’enfer est pavé de bonnes intentions » et ce « paradis libertaire crypto » pourrait devenir un véritable enfer pour les habitants s’il n’est pas pensé en terme équitable pour les populations locales.
Les promoteurs du programme dont Erik Brimer, le fondateur de Prospera ont réfuté ces accusations, affirmant que les projets sont menés de manière transparente, en accordant une attention particulière au respect des droits fonciers des communautés locales.
Il convient également de noter qu’il s’agit encore de projet pilote et que nous ne disposons pas encore pour le moment de chiffres probants pour estimer les impacts socio-économiques du projet.
Le programme Prospera est-il un village bitcoin?
Bien que Prospera et les villages Bitcoin comme « El Zonte » au Salvador partagent des similitudes en tant que modèles de développement économique et social innovants, ils présentent également des différences significatives.
En terme de philosophie et d’objectifs, le projet Prospera met l’accent sur le développement économique et social global d’une zone spécifique, en attirant les investissements étrangers, en créant des emplois, en améliorant les infrastructures et en favorisant l’innovation et l’entrepreneuriat. Son objectif est de stimuler la croissance économique et d’améliorer la qualité de vie des habitants du Honduras.
Les villages Bitcoin, en revanche, se concentrent sur l’adoption et l’utilisation de la cryptomonnaie Bitcoin comme moyen d’échange et de développement économique local. Leur objectif principal est de promouvoir l’utilisation du bitcoin et de faciliter les transactions dans ces communautés.
Une autre différence tient au cadre réglementaire et juridique : Prospera est un projet soutenu par le gouvernement du Honduras et bénéficie d’un cadre réglementaire spécifique. Il fonctionne en tant que zone économique spéciale, avec des réglementations et des incitations fiscales adaptées pour encourager les investisseurs étrangers qui souhaitent par exemple un second passeport.
Les villages Bitcoin, en revanche, ne sont pas soutenus par un gouvernement spécifique ni réglementés de la même manière. Ils sont souvent des initiatives communautaires autonomes qui cherchent à créer un écosystème basé sur le bitcoin. Cela dit, il y a certes une exception pour « El Zonte » au Salvador qui fait partie d’une politique de développement initié par le président Bukele.
Enfin, une autre distinction consiste à la portée et à la taille de ces différents villages autonomes. Prospera vise à développer des zones économiques spéciales de taille significative dans le cadre d’un projet national. Il cherche à attirer des investissements de grande envergure et à avoir un impact à l’échelle du pays.
En revanche, les villages Bitcoin, quant à eux, sont généralement des projets de plus petite envergure, souvent concentrés sur une communauté ou une région spécifique. Ils ont tendance à être plus expérimentaux et à se concentrer sur des applications locales de la technologie blockchain et des cryptomonnaies.
En résumé, Prospera et les villages Bitcoin sont des modèles de développement économique innovants, mais avec des objectifs, des approches et des portées différentes. Prospera se concentre sur la création de zones économiques spéciales et le développement économique global, tandis que les villages Bitcoin mettent l’accent sur l’utilisation de la technologie blockchain et du bitcoin au sein de communautés locales.
Cependant, Prospera possède une très grande dimension « bitcoin » dans son projet, comme en témoigne le soutien à l’académie locale « AmityAge » qui est le seul organisme en Honduras forme forme la population locale au Bitcoin.
Perspectives d’avenir
Malgré les défis et les controverses, le programme Prospera continue de progresser. Les développeurs et les investisseurs sont optimistes quant aux opportunités économiques et à l’innovation qu’il peut offrir au Honduras. Les projets en cours, tels que Próspera sur l’île de Roatán et le projet Orquidea, un parc agro-industriel près de la ville de Choluteca, témoignent de la détermination de Prospera de s’implanter durablement dans le pays.
Malgré les controverses et les critiques, Prospera reste déterminée à poursuivre sa mission de créer un environnement propice à la prospérité économique et à l’autonomisation des communautés locales.
Cependant, il est important de trouver un équilibre entre le développement économique et la protection des droits fonciers et de la souveraineté nationale. Il est impératif que la population locale soit tout aussi bénéficiaire que la nouvelle communauté de crypto-détenteurs qui s’installent dans le pays. En favorisant la transparence, la participation communautaire et le respect des normes internationales, Prospera peut devenir ( et c’est ce que nous espérons) un modèle de réussite pour d’autres initiatives de développement économique dans le monde entier.
Voir aussi :
- De plus en plus de “villages Bitcoin” se créent partout dans le monde
- Bitcoin Beach : Comment “El Zonte” est devenu un modèle pour le reste du monde
- Bitcoin Ekasi: Une économie circulaire à l’image de Bitcoin Beach au Salvador
- Satoshi Island : Une île paradisiaque pour les cryptos-enthousiastes 🏝️
- Porto Rico: l’île caribéenne attire de plus en plus des bitcoiners