Extropien? Le mot ne vous dit peut-être rien. Pourtant, vous connaissez certainement des personnes qui s’en réclament. L’un des plus extropiens le plus connus est certainement Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks.
Dans une définition plus allégée du terme, on peut également citer Elon Musk, partisan de ce qu’on appelle le “transhumanisme”, ce courant de pensée qui cherche à améliorer et à dépasser les limites humaines grâce aux progrès de la science. La société SpaceX d’Elon Musk représente bien le rêve transhumaniste de pouvoir quitter l’environnement terrestre pour trouver une nouvelle terre, pour un nouvel humain, dépassant les contraintes de la condition humaine.
Les extropiens pensent que la nature humaine doit se réinventer (et même trouver un salut) à travers la science et la technologie.
Le terme ne renvoie pas à une simple terminologie extravagante que l’on trouverait uniquement dans les livres de science-fiction. À plusieurs égards, on sait déjà que la réalité peut “dépasser la fiction” et nombreuses inventions sortis tout droit des écrivains de Fantasy se retrouvent aujourd’hui faisant pleinement partie de notre monde contemporain.
1. Origines et histoire de l’extropianisme
L’extropianisme est né au cours des années 1980, préfiguré par l’auteur transhumaniste “FM-2030“. Derrière ce nom, on trouve le philosophe iranien Fereidoun M. Esfandiary, qui est devenu une figure majeure du mouvement à travers ses livres tels que “Idendity Card” ou ” Are You a Transhuman? “. Il a été le premier être humain a voir été bénéficier de la cryoconservation par vitrification. Son corps est alors jusqu’à aujourd’hui, placé en chambre cryonique , au sein d’une association transhumaniste ( Alcor) basée en Arizona. Il a très largement inspiré les penseurs de la révolution numérique et plus spécifiquement les extropiens.
En 1988, deux auteurs, Max More et Tom W. Bell lancent la première publication ouvertement extropienne avec le journal “Extropy”. Ils ont par la suite fondé l’Extropy Institute en 1991, une association à but non lucratif basée en Californie, toujours en activité aujourd’hui.
Dans les années 1991, une première liste de diffusion par email est lancée où les principes de base de l’extropianisme sont mis à jour.
1. Comprendre les bases avec le transhumanisme
Le transhumanisme, qu’est-ce que c’est? Une philosophie? Un courant de pensée ou une idéologie? Tout dépendra de l’intensité et de la densité de l’idée promu par ses partisans. Au-delà de la sémantique, l’essentiel à comprendre du transhumanisme est l’idée qu’il est possible d’améliorer la condition humaine grâce aux technologies. La cryogénisation, le clonage des ADN ou encore le rajeunissement des cellules permettraient de considérer la mort de l’homme non pas comme une fatalité mais comme un simple “problème” résolvable dans le futur.
Le préfixe latin ” trans” évoque l’idée de traversée, de transition. Autrement dit, la pensée du transhumanisme veut aller “par-delà” l’homme tel qu’il est et de transformer biologiquement l’Homo Sapiens Sapiens. Ce n’est pas anodin si la définition moderne de transhumanisme a d’abord été conceptualisé dans les années 1930, par deux biologistes dont Julian Huxley et J.BS Haldane, spécialisé dans la génétique.
Par la suite, le courant transhumanisme a évolué au fil temps, intégrants toujours plus de domaines tels que la cybernétique, l’informatique, la biotechnologie et plus récemment, l’intelligence artificielle.
De façon transversale et plus pragmatique, on peut penser, ici, à l’expression de ” Techno-solutionnisme ” qui partage quelques similarités avec la pensée transhumaniste. L’idée renvoie, ici, au fait que les inventions technologiques peuvent apporter des solutions aux problèmes que rencontrent l’humanité. Le plus grand reproche fait à cette croyance consiste à souligner que très souvent le techno-solutionnisme cherche à résoudre des problèmes que des technologies antérieures ont généré au préalable…
2. Les principes philosophiques de l’Extropianisme
Situé entre l’idéologie et la philosophie, l’extropianisme se définie comme la conviction que la vie humaine doit s’adapter -et adopter- les technologies scientifiques. Le terme a été conçu sur le mot inverse de l’entropie qui définie la tendance naturelle d’un système qui après maturité est voué à la dégénérescence et à la mort. Plus spécifiquement, l’extropianisme rejette et réfute l’idée de la mort humaine biologique. L’homme devrait chercher l’immortalité et se servir de la science pour assouvir cet idéal qui remonte à la fulgurante Épopée de Gilgamesh.
Dans les Principes de Extropiens 3.0 publié en 1999, le philosophe Max More écrit, sans équivoque :
“Nous n’acceptons pas les aspects indésirables de la condition humaine. Nous mettons en question les limitations naturelles et traditionnelles de nos possibilités. Nous défendons l’utilisation de la science et de la technologie pour éradiquer les contraintes pesant sur la durée de vie, l’intelligence, la vitalité personnelle et la liberté”.
Max More
3. Quel lien peut-on trouver entre l’extropianisme et le Bitcoin ?
De prime abord, il n’y a pas de lien avéré et direct entre l’idéologie de l’extropianisme et celle défendue par les partisans du Bitcoin (si tant est qu’il y en ait une). Cependant, parmi les premières lettres de diffusion des cypherpunk, l’idéologie considérée comme étant à l’origine de la création du Bitcoin, on retrouve des extropiens notoires. D’ailleurs, le premier destinataire du premier transfert de bitcoin fût l’informaticien Hal Finney, qui a été également contributeur au journal “Extropy”.
Le fait que Hal Finney soit ouvertement extropien et qu’il fasse en même temps partie des premières personnes qui ont travaillé sur le Bitcoin a certainement contribué à rapprocher -en théorie- les cryptographes des extropiens.
De nombreux extropiens proviennent du monde de l’informatique comme Hal Finney, Julian Assange ou encore Philip Zimmermann, le créateur du premier logiciel de chiffrement pour les emails. Cette forte proportion d’informaticiens expliquerait que de nombreux concepts propres à ce domaine soient alors transposés dans les considérations métaphysiques et transhumanistes des auteurs.
En fait, un point de jonction qui semble lier le Bitcoin à l’extropianisme tient au fait que le Bitcoin soit essentiellement un code informatique. Un code informatique qui fonctionne par lui-même, sans la nécessité d’intervention humaine ( autrement que par l’activation des machines, certes). Un code informatique, immuable, qui peut fonctionner en continue…Sans jamais s’arrêter et ce, jusqu’à la nuit des temps. Nous touchons, peut-être, ici, le détail sensible qui fait écho à l’immortalité recherchée par les extropiens.
La technologie comme socle commun
Cependant, si l’on creuse plus profondément, il n’y a pas plus de lien avec l’extropianisme et les cryptomonnaies qu’il y en a avec d’autres technologies. Corrélation n’est pas causalité. Ce n’est pas parce que les cryptomonnaies représentent une innovation technologique qu’elles seraient nécessairement l’apanage des extropiens. Ce qu’ils apprécient, encore une fois, tient à la suprématie du code informatique.
De manière plus triviale, on peut aussi affirmer qu’un extropien peut réfuter l’idée du Bitcoin comme solution aux problèmes financiers tout comme un bitcoiner peut se sentir éloigné de la pensée extropianiste.
Mot final
L’extropianisme est une branche de la philosophie transhumaniste qui croit en la capacité de la science et de la technologie à améliorer et à prolonger la vie humaine. Cette conviction s’étend jusqu’à la croyance en l’immortalité. Certains extropiens dont Hal Finney ont joué un rôle crucial dans le développement des cryptomonnaies, notamment le Bitcoin.
Dans une certaine perspective, il n’est pas faux de penser que le Bitcoin est adapté à la pensée transhumaniste. Il y a dans la conception même du Bitcoin, quelque chose qui l’arrache à la condition humaine. Bitcoin peut fonctionner, de manière autonome, et survivre les générations d’hommes. En un sens, Bitcoin est sorte de monnaie “immortelle” et rejoint par là, le rêve ultime des extropiens.
Cependant, et c’est valable pour toutes les idéologies, il est essentiel de ne pas faire d’amalgame et de comprendre qu’il peut y avoir plusieurs points de vue au sein d’une même communauté, quand bien même les membres partageraient des valeurs communes.