Il y a des événements qui restent gravés dans l’histoire comme des rappels des dérives que peuvent exercer les régimes contre les citoyens. C’est exactement ce que représente le décret 6102 pour l’esprit de bon nombres d’américains qui n’ont pas la mémoire courte.
Si les européens se souviennent de l’année 1933 comme étant l’année où Hitler devenait chancelier mais outre-atlantique, ce fût également une période de bouleversent radicale.
Cette année-là, le président Franklin D. Roosevelt a signé le fameux décret exécutif 6102, une mesure qui a consisté à confisquer l’or de tous les citoyens américains.
Revenons sur cette épisode très particulier de l’histoire américaine, qui a marqué un tournant dans l’histoire monétaire du pays.
Contexte de la Grande Dépression
On peut situer le début de cette période sombre par le tristement célèbre “Jeudi noir” de 1929 où la Bourse de New York a connu une journée de chute brutales des cours, marquant le début d’une crise financière et économique majeure qu’on appelle depuis la “Grande Dépression”.
Le krach boursier de 1929 a eu des conséquences économiques dévastatrices, avec une baisse drastique de la production, des saisies de biens et des fermetures d’entreprises entraînant un chômage massif, dans tout le pays. Les institutions financières étaient en difficulté, et le système bancaire était au bord de l’effondrement.
Cette période marquée par la misère économique est souvent citée comme un exemple marquant des dangers de la spéculation excessive et de l’instabilité des marchés financiers.
À cette époque, le pays fonctionnait sur le système de l’étalon-or, ce qui signifie que chaque dollar en circulation était soutenu par une quantité équivalente d’or détenue par le gouvernement. Cependant, la Grande Dépression a créé des tensions sur le système financier, poussant de nombreuses personnes à conserver de l’or en espèces plutôt que de déposer de l’argent dans les banques.
La dépossession de l’or par les citoyens américains
Pour faire face à cette crise, le président Roosevelt a pris une décision radicale dans le cadre de sa politique du New Deal. Le 5 avril 1933, il a signé le “décret exécutif 6102”, qui exigeait que les citoyens américains remettent leur or au gouvernement en échange de dollars.
Le décret stipulait explicitement que les citoyens étaient sommés de déposer dans les banques locales tout l’or qu’ils détenaient, y compris les pièces de monnaie en or, les lingots et même les bijoux en or. En cas de non-respect de la loi, les citoyens étaient passibles d’amendes et de peine de prison.
L’objectif officiel du décret 6102 était de stabiliser le système financier en regroupant l’or dans les coffres du gouvernement.
Cependant, il a eu un impact majeur sur la vie quotidienne des Américains. En effet, de nombreuses personnes ont perdu une part importante de leur épargne, car le gouvernement a payé un taux inférieur à la valeur marchande réelle de l’or.
Les critiques de certains économistes
La confiscation de l’or a eu un certain nombre de répercussions économiques et historiques. Suite aux dépôts des citoyens, cela a permis de stabiliser le système financier et à relancer la confiance dans le dollar américain. Au sein du pays et à l’international, le dollars retrouvait son principe suprême d’étalon-or.
Cependant, cette décision a également laissé de nombreuses personnes amères et a suscité des inquiétudes quant aux droits de propriété. Le décret exécutif 6102 a été critiqué par plusieurs économistes et intellectuels de renom à l’époque. L’un des critiques les plus notables de cette politique était l’économiste et prix Nobel Milton Friedman.
Fervent défenseur du libéralisme, Milton Friedman s’est opposé à la politique de confiscation de l’or menée par l’administration de Roosevelt. Il a soutenu dans ses ouvrages que la politique monétaire du gouvernement avait contribué à aggraver la Grande Dépression et à perturber les marchés financiers. Il croyait fermement en la nécessité de la stabilité monétaire et de la non-intervention du gouvernement dans les marchés financiers, contrairement à Keynes, par exemple.
Dans la même lignée, on peut également mentionner Murray Rothbard et Ludwig von Mises qui se sont également montré sur!s critiques à l’égard de cette politique. Ils ont fait valoir que la confiscation de l’or était une intrusion du gouvernement dans les droits de propriété des citoyens et qu’elle avait des conséquences économiques néfastes.
Ce décret à permis alors de cristalliser la pensée libertarienne aux USA qui n’a cessé depuis de prendre de l’ampleur ailleurs dans le monde également.
Ces critiques ont en effet contribué à façonner le débat sur la politique monétaire et la réglementation gouvernementale aux États-Unis à l’époque, et ils ont grandement continué à influencer les discussions sur l’économie et la politique monétaire actuelle.
Le 15 août 1971, le président Richard Nixon annonce la fin de la convertibilité en or et annonce alors la fin de l’étalon-or du système établit de Bretton Woods. Puis, en 1974, le gouvernement américain a mis fin à la politique de détention de l’or par les citoyens, permettant aux Américains de posséder à nouveau de l’or.
Les confiscations dans d’autres pays
L’événement de 1933 reste un chapitre marquant et traumatisant de l’histoire monétaire des États-Unis. Il est toutefois important de noter que de telle épisode de confiscation de l’or n’ont pas été l’apanage des États-Unis seulement.
L’Italie fasciste en 1935 a mis en place un décret exécutif similaire pour collecter l’or auprès de tous les détenteurs du pays. En France, le gouvernement en 1936 a obligé les détenteurs de plus de 200 grammes d’or à le vendre à la Banque de France avant d’abandonner cette politique une année plus tard.
Aujourd’hui, heureusement, tous les pays (ou presque) ont la liberté d’acheter de l’or et de le détenir chez soi, en toute liberté.
Les cypherpunks et la création du Bitcoin
Aujourd’hui, cette épisode est souvent rappelé comme un exemple des mesures extraordinaires que le gouvernement peut prendre en temps de crise, et comme un rappel des enjeux liés à la propriété privée.
À ce titre, il est intéressant d’évoquer à présent les cypherpunks qui militent en faveur de la protection de la vie privée et des droits individuels. Ces derniers considèrent que la protection du droit à la propriété, y compris la propriété de la monnaie, est fondamentale pour la préservation des libertés individuelles. Ainsi, le Bitcoin, en tant que cryptomonnaie décentralisée, offre un moyen de transférer de la valeur de manière privée et sécurisée, sans avoir recours aux gouvernements.
Les cypherpunks considèrent le Bitcoin comme un outil puissant pour protéger le droit à la propriété en permettant aux individus de contrôler leurs actifs financiers de manière indépendante, sans craindre la confiscation ou la censure, comme on a pu le voir avec le décret de 1933…
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