Satoshi Nakamoto, un homme, une femme (ou même un groupe d’individus anonymes ) à publié le livre blanc du Bitcoin le 31 octobre 2008. Le titre du document ” Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System” propose comme son nom l’indique, un nouveau système décentralisé d’une monnaie électronique.
Après une décennie, le bitcoin est entré dans le paysage “financier” actuel. Toujours plus accepté et compris, aujourd’hui, bitcoin (et les cryptomonnaies en général) sont considérés comme une version moderne de la monnaie.
Dans cet article, nous allons remonter le temps pour découvrir les ancêtres du bitcoin. Il s’avère essentiel pour mieux comprendre Bitcoin de connaitre les versions antérieures sur lequel il s’appuie. Bitcoin n’est pas une invention ex nihilo, surgit de nulle part. Il s’inscrit dans une longue lignée de recherches, de découvertes et d’innovations cryptographiques…
L’idéologie derrière Bitcoin
Il est admis que Bitcoin est “le produit” qui s’apparente à l’idéologie qu’on appelle “CypherPunk”. C’est un groupe composé principalement d’individus férus de technologie, de futuristes et de crypto-anarchistes de différents degrés. Parmi eux, on peut citer Hal Finney, Timothy May, Nick Szabo ou encore Eric Hughes. C’est dans cette philosophie libertaire qui fait de la confidentialité et de la liberté un droit essentiel aux sociétés humaines, que Bitcoin prend racine. Il y a une dimension profondément politique (qu’on le veuille ou non) à Bitcoin. Ce n’est pas anodin si Bitcoin est également utilisée parmi les opposants à certains regimes autoritaires, comme moyen et comme fin.
“La vie privée est nécessaire pour une société ouverte à l’ère électronique”
Eric Hughes, “Le Manifeste d’un Cypherpunk”
Satoshi Nakamoto a envoyé sa proposition Bitcoin à cette communauté d’informaticiens et de cryptographies qui travaillaient de près ou de loin à des tentatives de monnaies numériques. Depuis la création d’internet en 1989, de multiples expériences dans le domaines ont été lancé (et ont échoué, manifestement).
Les CypherPunks
Le “Le Manifeste d’un Cypherpunk” de Eric Hughes a servi de référence idéologique aux cryptographes. Cela découle du sous-genre de Science-Fiction “CyberPunk” qui s’est épanouie dans les années 90. Le genre cyberPunk en littérature décrit souvent un futur orwellien où les systèmes de surveillance serait omniprésent. Les héros sont souvent des anarchistes qui se battent contre la surveillance abusive établie dans ces sociétés dystopiques.
Les auteurs les plus connus sont John Brunner, William Gibson et Bruce Sterling. Ils ont souvent dans leurs oeuvres, dépeint des sociétés gérées par des Big Brothers aux dents longues. La liberté et la confidentialité étant très souvent entre les mains des gouvernements et entreprises.
C’est dans cet univers de surveillance généralisée que les cypherpunks ont souligné la nécessité de posséder des communications cryptés à travers une messagerie anonyme, entres autres. La monnaie électronique étant elle même un outil pour l’émancipation des hommes libres dans ce type de société.
On peut aussi mentionner par extension la philosophie des “l’extropianisme”. C’est un mouvement développé par le philosophe Max More, dans une série d’écrits qui soulignent une confiance forte pour la science et la technologie. Max More est un transhumaniste radical, qui a véhiculé une idéologie forte revendiquée par de nombreux cryptographes. Parmi eux, Nick Szabo, Timothy May et Hal Finney en sont des extropiens reconnus. Ces derniers cherchent fondamentalement à améliorer la condition humaine grâce à l’utilisation des nouvelles technologie comme la cryogénie, la robotique, la génétique, le voyage dans l’espace, etc.
Les travaux antérieurs qui ont préfiguré Bitcoin
Nous avons les références bibliographiques mentionnés par Satoshi dans le livre blanc du Bitcoin. Nous savons alors sur quels travaux il s’est appuyé pour développer bitcoin.
Bitcoin est ainsi une solution qui repose sur différents travaux de recherches dans différents domaines tels que la cryptographie, les réseaux distribués, l’économie, les mathématiques, etc. Il est donc essentiel de connaitre les tentatives antérieures de ce qu’on peut appeler les “ancêtres” du bitcoin.
La création de l’e-cash
En ce qui concerne les travaux de monnaie électronique, l’une des informaticiens les plus brillants est certainement David Chaum. Il a été un véritable pionnier dans ce domaine et son système de monnaie numérique remonte aux années 80, avant même le lancement du World Wide Web.
David Chaum a publié en 1981, un document majeur “Untraceable Electronic Mail, Return Addresses, and Digital Pseudonyms”. C’est à partir de ce document que des protocoles de confidentialité comme Tor ont pu voir le jour. En 1982, il a publié un autre document tout aussi important : “Blind Signatures for Untraceable Payments”. Il y détaille un futur système de transaction anonymes. Il est admis que c’est ce document qui à ouvert la voir aux tentatives de créer une monnaie numérique.
C’est en effet ce qu’il à fait concrètement avec la création en 1989 de DigiCash. À l’origine, il s’agissait de pouvoir apporter la confidentialité aux monnaies numériques au moment où les services bancaires électroniques prenaient forme. Basé à Amsterdam, David Chaum à développé avec son équipe le protocole eCash. Cependant, près de dix années plus tard et faute de financement, David Chaum a du déclarer faillit en 1998.
Cependant, la création de e-Cash a ouvert la voie à de nouveaux travaux concernant la monnaie numérique. Il est même admis que l’e-cash est l’ancêtre des monnaies numériques des banques centrales (les MNBC en français.
Le e-Gold
Après le eCash, il est essentiel de mentionner le eGold fondé en 1996 par Douglas Jackson et Barry Downey. Comme le nom l’indique, le e-gold était une monnaie numérique soutenu par des réserves d’or physiques dans des banques à Londres et à Dubaï. Même si techniquement le e-gold remplissait sa fonction, le projet à dû s’arrêter en raison de problèmes juridiques importants. Très rapidement, et profitant de l’absence de juridiction, des activités criminelles se sont servis de l’e-gold…Ainsi, les fondateurs ont été accueillis d’avoir créer une entreprise pour permettre le transfert d’argent sans licence juridique….La société à dû fermer quelques années plus tard.
Il est important de souligner que jusqu’à aujourd’hui (en 2022), certains problèmes juridiques liés à la question des actifs numériques ne sont toujours pas résolus…
Le hashcash d’Adam Back
En 1992, des chercheurs d’IBM, Cynthia Dwork et Moni Naor, ont travaillé sur les “attaques Sybil”et autres attaques informatiques qui prenaient forme au début du courrier électronique. Le duo de chercheur a alors proposé un système ingénieux à travers lequel l’expéditeur effectue un certain travail de calcul pour résoudre un problème cryptographique. Ainsi, dans l’email, l’expéditeur fournissait une “preuve de travail” (ou PoW). En terme de calcul, le processus était plutôt insignifiant. Le but étant avant tout d’empêcher par là les attaques et spams possibles.
En se basant sur ces travaux, Adam Back, un informaticien et cypherpunk actif, à proposé un système similaire qu’il a appelé Hashcash. Il a insisté sur le processus de hachage, qui consiste à transformer des données en une chaine aléatoire de caractères. Une modification aussi minime soit-elle des données entraineraient un hachage différent. On peut alors très facilement vérifier les données.
Le hachage est le processus consistant à transformer n’importe quel élément de données de n’importe quelle taille en une chaîne aléatoire de caractères de longueur prédéterminée. La moindre modification des données sous-jacentes entraînerait un hachage entièrement différent, permettant une vérification facile des données.
Le hachage de Adam Back à ouvert la voie aux monnaies numériques plus proches à Bitcoin que sont B-money et Bit Gold.
B-Money de Wei Dai
En 1998, Wei Dai, membre également des cypherpunk à proposé le système B-Money. Dans le livre blanc du Bitcoin, Satoshi Nakamoto fait une référence explicite au travail de Wei Dai. De même, on peut noter que Vitalik Buterin à nommé les frais de gaz d’Ethereum, des “Wei”, en référence à Wei Dai.
B-Money est un système financier alternatif peer-to-peer qui permet de réaliser des transactions en dehors du système financier traditionnel. Le B-money supportait un grand registre distribué parmi un réseau de pairs pseudonymes. Pour créer la monnaie numérique, un noeud devait résoudre un problème de calcul (preuve de travail). Le problème de la “double dépense” était néanmoins non-résolu dans le système de B-Money. Comprenez qu’il était possible de dépenser de façon simultanées plusieurs “mêmes” actifs.
La proposition de B-money n’a pas été concrétisé. Cependant, B-Money est très similaire à Bitcoin, dans sa conception du grand registre distribué et de la monnaie numérique basée sur de la Preuve de Travail.
I think it achieves nearly all the goals you set out to solve in your b-money paper.
Satoshi Nakmaoto à Wei Dai (source : https://www.gwern.net/docs/bitcoin/2008-nakamoto#emails)
La grande différence avec Bitcoin était le fait que la B-money avait déjà une “valeur”, étant indexé sur certaines matières premières. En fait, B-money était plus proche de ce qu’on appelle un “stablecoin” pour cette raison.
Le Bit Gold
Nick Szabo est une figure cypherpunk bien connu et à participé grandement au développement de la cryptographie. En 1994, il a proposé la mise en place de smart contracts – des contrats reposant sur du code plutôt que sur la loi juridictionnelle humaine- comme devant être le fondement du commerce sur internet.
Szabo avait travaillé quelques temps sur DigiCash avec David Chaum. Il avait donc une certaine connaissance des travaux sur les monnaies électroniques innovantes. Il est parti sur la création d’une nouvelle monnaie pour internet. Une monnaie qui serait entièrement numérique, rare et coûteuse à falsifier. Il avait l’idée donc de créer un or numérique : le bit gold était né.
Bit Gold est une sorte de mélange entre Hashcash et de B-money avec l’utilisation d’une preuve de travail basée sur le hachage périodiquement horodatée. Il y avait cependant un problème important avec le bit gold et cela concernait la valeur qui pouvait diminuer au cours du temps. En effet, lié au cout de calcul, sa valeur diminuerait fatalement avec l’arrivée de machines et d’ordinateurs plus puissants.
Bit Gold nécessitait ainsi d’autres infrastructures complémentaires pour le parfaire. Au moment où Bit Gold devait être implémenté, Satoshi Nakamoto publié le livre blanc Bitcoin.
Szabo à alors abandonné Bit Gold en reconnaissant que Bitcoin venait résoudre avec intelligence les failles de Bit Gold.
Ainsi, Bitcoin s’avère être le produit scientifique réussi après plusieurs tentatives. Satoshi Nakamoto à d’ailleurs écrit dans un forum Bitcointalk de 2010 « Bitcoin est une mise en œuvre de la proposition B-money de Wei Dai […] en 1998 et de la proposition Bitgold de Nick Szabo ».
« Bitcoin est une mise en œuvre de la proposition B-money de Wei Dai […] en 1998 et de la proposition Bitgold de Nick Szabo ».
Satoshi Nakamoto, Bitcointalk
—>Lire notre portrait sur Nick Szabo, l’homme derrière les smart contracts
La création du Bitcoin, enfin
Lorsqu’on connait l’histoire des monnaies électroniques, on comprend que Bitcoin n’est pas une invention sorti du chapeau par miracle de Satoshi Nakamoto. Cela donne d’ailleurs encore plus de poids et de grandeur à cette invention remarquable tant les tentatives infructueuses ont été nombreuses. Le 8 novembre 2008, Satoshi Nakamoto a enregistré le logiciel Bitcoin sur SourceForge afin que des cryptographes et informaticiens puissent le découvrir. Disponible en open source, l’inventeur du Bitcoin voulait l’ouvrir à l’examen public et au travail collectif.
C’est ainsi que doucement (certes) l’écosystème Bitcoin s’est constitué et qu’aujourd’hui, il se fait une place de choix dans l’histoire économique et financière. Les ancêtres du bitcoin et de la monnaie électronique sont précisément là pour nous rappeler que le chemin fût long et fastidieux.
C’est d’autant plus intéressant de constater que l’histoire de Bitcoin ne cesse d’évoluer au cours du temps grâce aux propositions d’améliorations (BIP) notamment. C’est aussi cela – le fait qu’il s’inscrive pleinement dans une évolution permanente – qui fait de Bitcoin, certainement, l’une des inventions humaines les plus fascinantes qu’il soit.
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Remarque : Aucun conseil financier n’est donné dans cet article ni dans tout autre article sur zonebitcoin. Il s’agit d’information dont vous êtes le seul juge et maitre. Soyez responsable de vos investissements et n’investissez qu’une somme dont vous êtes prêt à perdre.
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